Non classé1 mars 2025Par Patrick LagadecRuptures majeures : L’impératif de l’imagination (2)

Publié sur LinkedIn le 1er mars 2025

Les questions de défense sont évidemment le front le plus important. Mais l’imagination créatrice doit se porter sur bien d’autres dimensions.

Au nombre des dimensions à considérer : une offre européenne à destination d’élites américaines de la science, de la tech, de la sécurité, de la culture. Qui vont se retrouver au bord du gouffre, dans des univers où la pulsion sauvage a remplacé réflexion et dignité; où la revendication de « free speech » condamne toute expression autre que servile (que l’on arrête de parler de « loyauté », il s’agit de servilité totale); où la seule énergie disponible n’est trouvée que dans la destruction de toute institution, règle, ancrage.

L’argument décisif ? Dans votre grand pays, vous avez pu bénéficier d’un environnement de liberté particulièrement porteur, absolument nécessaire à l’invention et la création, le développement et le succès. Les conditions qui se mettent en place et déferlent aux États-Unis sous la nouvelle administration sont radicalement défavorables à ce biotope de liberté. La notion même de vérité n’a d’ailleurs plus de valeur, elle est même combattue de façon viscérale. Dans les années 30, beaucoup de grands cerveaux ont quitté l’Allemagne et l’Europe vers le pays de la liberté pour fuir le nazisme. L’Amérique a énormément profité de cette manne (et l’Europe ne lui a jamais demandé de remboursement…) Il pourrait être opportun de commencer à ouvrir la porte d’un voyage retour. La liberté, elle est en Europe.

Outre cette promesse primordiale de liberté, l’Europe pourrait dégager des fonds pour soutenir une telle dynamique – déjà des « réfugiés scientifiques » ont largué les amarres. L’Europe pourrait inventer des écosystèmes attractifs, comme le rattachement à plusieurs pôles européens d’excellence, ou la délivrance de passeports et l’accès à la nationalité (ou à plusieurs). Certes, il sera probablement impossible de promettre à chacun de devenir milliardaire : mais la liberté n’a pas de prix, la dignité non plus. Et devenir un multi-milliardaire passant son temps à se prosterner à Mar a Lago, ou à manier la tronçonneuse, a un charme finalement assez limité, totalement opposé à ce qui fait vivre les vrais scientifiques et créateurs.

L’Europe pourrait aussi inviter les brillants cerveaux européens qui sont partis, notamment vers les géants de la tech, à reconsidérer leur implantation outre-Atlantique. Veulent-ils vraiment, en dépit des ponts d’or qui leur sont offerts, participer à l’entreprise de démolition et d’asservissement qui s’affirme depuis que les oligarques ont décidé de se soumettre aux nouveaux maîtres ?

L’Europe pourrait aussi voir le Grand Large : en offrant cette promesse de liberté en association avec le Canada – le Québec a de beaux centres d’excellence. Et même au-delà.

Il y a tant à inventer, quand on sort de l’asservissement à une terre autrefois promise qui s’est maintenant vendue au Veau d’Or.

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