Publié sur LinkedIn, 27 mai 2023.
Jean Duvignaud cite ces mots du jeune Hegel en conclusion d’un article saisissant publié en 1994 (Le Monde, 18 janvier). Ils sont à reprendre aujourd’hui alors que nous sommes confrontés à une masse débordante de ruptures.
Ainsi en matière de bouleversement climatique. Exemples :
– Inondations, Crue de la Seine : il ne s’agit plus seulement de prévoir, pour une crue « centennale » s’approchant de celle de 1910, des protections, ou même des évacuations de quelques quartiers pour quelques semaines. La perspective, c’est la probabilité d’inondations autrement plus sévères et fréquentes, obligeant à des évacuations massives, pour une, deux, trois années, cela remodelant profondément l’économie comme la vie nationale, et même européenne.
– Sécheresse : il ne s’agit plus seulement de mettre en place une régulation à la marge de l’utilisation de l’eau. Voici la perspective de devoir évacuer de larges zones urbaines (200 000 habitants), pour des périodes de plusieurs mois. Ce qui n’a plus grand-chose à voir avec un black-out électrique de quelques heures.
– Canicules : il ne s’agit plus seulement de prévoir des mesures pour passer un cap difficile de quelques jours et quelques nuits, avec déclenchement d’un plan canicule bien opérationnel.
Comme le rapporte le New York Times (23 mai 2023), une canicule doublée d’un black-out électrique ( nous sommes à l’ère des « polycrises ») conduirait près de 800 000 habitants de la ville de Phoenix à avoir besoin de soins d’urgence. Sur d’autres villes moins extrêmes, ce serait entre 1et 3% de la population. Radicalement hors échelle de nos capacités.
– Températures et cultures : il ne s’agit plus seulement de commencer à s’interroger sur les évolutions des cultures en raison de l’accroissement tendanciel des températures. Il suffirait de quelques journées « accidentelles » à 55 degrés pour avoir raison de toutes les récoltes.
– Méga-feux : on a commencé à voir le début de ces désastres hors-cadre.
Bien sûr, il est nécessaire d’alerter sur la perspective d’un accroissement de 4 degrés dans les décennies à venir, et de mettre en œuvre des mesures vigoureuses pour ne pas aller au pire.
Mais nous devons changer de braquet bien plus rapidement : les méga-chocs n’attendront pas 2050 ou même 2030.
La grande difficulté tient à ce que nos raisonnements, nos pratiques, nos systèmes, sont fondés sur le socle des « moyennes raisonnables ». Il va nous falloir changer nos logiciels et discours de référence. Pour nous préparer à des temps marqués par l’extravagance et le chaotique, éviter les débâcles face aux Blitzkriegs de la « Nature », des impulsions s’imposent.
Ce qui signifie, au moins, une préparation profondément repensée des dirigeants et des citoyens