Publié sur LinkedIn le 13 mars 2025.
« J’ai la conviction que, dans une crise,
ce qui semble « équilibré » et « sûr »
est souvent ce qui est le plus risqué »
Henry Kissinger,
À la Maison Blanche, Fayard, 1979 (page 644)
La guerre commerciale déclenchée par D. Trump suscite bien évidemment des répliques de la part des pays et continents visés.
Leur logique :
– Aucune surprise dans le choix des cibles,
– Équilibre et retenue dans les niveaux de rétorsion,
– Temps donné au temps pour ne pas dramatiser encore davantage la surchauffe,
– Anticipation sur ce qu’il ne faut pas faire pour éviter d’aggraver la crise,
– Précaution pour tenir compte des risques en boomerang,
– Retenue : les adultes la pièce font attention à contenir les furies du bureau Ovale.
Tout en conservant les sages lignes de forces de cette posture de responsabilité, il serait judicieux, aussi, d’ouvrir quelques autres perspectives. Certes, seules de solides équipes rompues au questionnement et à l’inventivité hors sillons conventionnels pourraient apporter des éléments pertinents et solidement étudiés quant aux risques qu’ils peuvent présenter.
On peut toutefois, certes avec grande réserve, ouvrir quelques portes :
– Jouer sur le rythme : on n’est pas obligé d’attendre que Washington édicte ses diktats sur papier pour agir ; on n’est pas forcé de retirer une mesure si Washington fait marche arrière : c’est l’introduction d’une logique de cliquet.
– Sortir de la proportionnalité : est-il toujours judicieux de suivre les chiffres d’augmentation des taxes énoncés par la Maison Blanche ? [qui vient d’emprunter cette voie avec un 200%…]
– Jouer sur la complexité : faut-il ne raisonner que par types de produits ? On pourrait réfléchir par systèmes d’activités.
– Jouer sur la surprise hors-cadre : on n’est pas obligé, par exemple, de stopper la fourniture d’électricité aux USA. Pourquoi ne pas annoncer qu’on se contenterait de bloquer cette exportation 15 ou 20 jours par an – lors de canicules estivales – ce qui rappellera des souvenirs
[1]. On combinerait ainsi les dimensions “tariff”, “chaos climatique”, « santé publique » et “tenue sociétale” – autant de thèmes proscrits par l’actuelle administration US (mais il n’est certain que le Climat obtempère et ne réserve pas des surprises colossales, multipliées et aux effets systémiques…).
L’urgence n’est pas de sortir du chapeau des numéros d’équilibristes mal étudiés. L’urgence est de mettre sur pied des task-forces en mesure de penser nos univers totalement bouleversés, et de ciseler des voies pour y naviguer – des voies conventionnelles, et des voies non conventionnelles. Sans perdre de vue, bien entendu, qu’on ne joue pas avec des enjeux dont personne ne peut penser les limites.
[1] Klinenberg, Eric (2002), Heat Wave, A Social Autopsy of Disaster in Chicago, The University of Chicago Press, Chicago and London. https://www.amazon.fr/Heat-Wave-Autopsy-Disaster-Chicago/dp/022627618X