Publié sur LinkedIn
Les toutes récentes initiatives prises pour maîtriser au mieux une interruption de la distribution électrique signent des progrès décisifs dans le pilotage des situations de turbulence sévères. Il n’est plus question de clamer que jamais la France ne saurait connaître de problème électrique, que tout est “sous contrôle”. Les pouvoirs publics sont mobilisés, les préfets sont saisis par la Première ministre (circulaire du 30 novembre), les acteurs privés sont mobilisés et de bons conseils leur sont prodigués (webinaire très opérationnel de Vincent Balouet, ce 2 décembre 2022 : http://maitrisedescrises.com).
Des plans et des dispositifs sont établis, des communications vers le public sont engagées, chacun est appelé à entrer dans une dynamique de réponse collective ajustée aux situations possibles. Préparation avec mobilisation des acteurs ; suivi renforcé avec des logiques de réactions graduées en fonction des évaluations de la situation ; mobilisation opérationnelle avec implication des instances nationales notamment de la CIC ; direction des opérations ; communication… le spectre est largement ouvert. Avec de surcroit un exercice sur table prévu pour le 9 novembre pour tester, améliorer, dynamiser.
Pour une situation à bien des égards inédite, on devrait ajouter aux efforts engagés une perspective et des modalités opérationnelles complémentaires.
Il s’agirait de partir de l’idée que des surprises, spécifiques et non anticipées, ou de nature systémique et par là porteuses de turbulences sévères, pourraient se faire jour. En prenant donc un peu de recul avec l’idée de perfection évoquée dans la circulaire aux préfets.
Cela voudrait dire, au moins dans les instances les plus critiques (tant publiques que privées), monter de petites cellules spécifiquement dédiées à la détection et au traitement :
– des signaux aberrants,
– des surprises majeures,
– des failles masquées (ou non),
– des dynamiques émergentes portées par des acteurs de terrain;
– des dynamiques d’invention à introduire en cas de sortie des cônes de possibilités retenues dans nos préparations.
Ces cellules, de type « Force de Réflexion Rapide », seraient particulièrement utiles en cas d’excursion hors des hypothèses retenues. Cela devrait faire l’objet de préparations spécifiques, non chronophages, mais rigoureuses, inscrites non plus seulement dans la perspective de référence en « continuité d’activité », mais de DISCONTINUITÉ comme nous l’avons récemment suggéré avec Matthieu LANGLOIS.
Ce cas est exemplaire : même si ce que je suggère fortement s’avérait finalement inutile (« on n’est jamais à l’abri d’un miracle »), au moins cela constituerait un excellent entraînement pour ce qui nous attend sur tous les fronts. Les crises ne sont plus ce qu’elles étaient. Et comme le disait mon ami Mike Granatt du temps où il était au Cabinet Office : « Never fight the last war ».
Patrick Lagadec & Matthieu Langlois, “Business Discontinuity”, Crisis Response Journal, 17:2, June 2022, pp. 38-40.
https://www.patricklagadec.net/wp-content/uploads/2022/12/RISQUES-SUR-LA-FOURNITURE-D.pdf