Publié sur LinkedIn, 24 mars 2024.
Extraits de mon livre « La Gestion des crises”, McGraw Hill, 1991. (« Preventing Chaos in a Crisis », Mc Graw Hill, 1993.)
https://www.patricklagadec.net/wp-content/uploads/2021/11/integral_livre1.pdf
Coral Bell (University of Sussex) :
« Il est pour le moins malheureux que l’étude des crises internationales ait pris comme point d’appui la crise des missiles de Cuba en 1962, et surtout, en réalité, la perception que l’on en a eue en Occident – et qui a constitué la base de nos réflexions en matière de gestion de crise. On a tiré de l’épisode l’idée que les crises étaient des jeux à deux partenaires engagés dans une partie d’échecs diplomatiques. Cette crise fut pourtant très atypique.
Il serait plus pertinent de partir d’une crise comme celle de Chypre en 1974 : on découvrirait alors que le modèle à utiliser est beaucoup moins celui du jeu d’échecs que celui du poker, et encore dans sa tradition du Far West, chaque joueur étant prêt à dégainer, sa rapidité à tirer étant plus déterminante que les cartes maîtresses dont il peut disposer.”
» Les crises internationales sont généralement au confluent de nombreuses décisions d’origines disparates […]. Théoriser à leur sujet, […] ne se fait pas sans risque de comparer des objets incomparables. […]
Il y a là une leçon de prudence tout à fait essentielle, mettant en garde contre l’idée que la gestion de crise pourrait être réduite à une panoplie de règles et de théorèmes pouvant être enseignés aux décideurs. Les facteurs de succès sont plutôt l’imagination historique, la créativité intellectuelle et la capacité à percevoir les signaux des partenaires. Ces aptitudes sont difficiles à enseigner, et, assurément, la tendance à fonder la réponse sur un système de règles, ellesmêmes fondées sur des précédents connus, peut avoir un effet très contre-productif. […] le succès peut dépendre de la capacité à s’écarter des règles et des précédents.
Il doit en résulter une grande circonspection vis-à-vis de tout grand projet qui viserait à atteindre un haut niveau d’abstraction dans l’analyse des crises. L’abstraction implique la simplification, ce qui conduit à une certaine falsification. Comme l’a écrit le Dr. Kissinger, « l’Histoire est plus complexe que l’analyse de système », et cela pourrait bien servir de leitmotiv au gestionnaire de crise.”
BELL, Coral M., 1978 : « Decision-making by governments in crisis situations », in D. Frei (ed.) International Crises and Crisis Management. An East-West Symposium, Praeger Publishers, New York, London, Sydney, Toronto, p.50-58.