Publié sur LinkedIn, 18 avril 2024
Les auditions d’experts internes par le Congrès US sont pathétiques et provoquent plus que du vertige. Des systèmes à la dérive, un pilotage à l’aveugle, une neutralisation des alertes, des résultats mortifères, et le bord du précipice.
Que sont devenus les principes sacrés des HRO ? Comment a-t-on osé, confirmé, défendu, autant d’écarts avec les règles techniques, organisationnelles, culturelles de la sécurité des systèmes à haut risque ?
Aucune communication de crise ne permettra de sortir par enchantement, par quelques mots bien choisis, par quelques démonstrations de contrition, d’une situation marquée en profondeur, de façon systémique, par des principes et des dynamiques managériales jusqu’alors totalement bannis.
Boeing et ses contrôleurs publics ne sauraient jouer avec la même légèreté et impunité que peuvent le faire les ados-milliardaires de la tech numérique. Ici, les morts se voient, les cercueils viennent en nombre et la confiance la plus solide peut se voir pulvérisée en quelques jours.
Ce qui se dit au Congrès vient en écho à ce que j’écrivais dans « Sociétés déboussolées – Ouvrir de nouvelles routes » (Persée, 2023), au chapitre « Opérateurs en détresse » : « Les fondamentaux sont touchés. C’est le technicien ou le contrôleur de haute volée qui s’aperçoit que « quelque chose ne fonctionne plus ». Les piliers de l’édifice semblent céder. Les exigences de la qualité sont percutées par la sauvagerie de la guerre économique. Jusqu’aux rapports falsifiés. L’opérateur constate – et ne le supporte plus – qu’il lui faut « mal faire son travail ».”
On entend leur témoignage lors de cette audition.
Il ne suffira pas de quelques démentis sans consistance. Il ne suffira pas de menacer les témoins (ils en témoignent). Il ne suffira pas de remercier le CEO en le gratifiant comme le précédent de quelques dizaines de millions de dollars de prime de départ.
Il va falloir des réflexions-actions-réinventions inédites pour éviter ici le destin du Titanic – qui, lui aussi, ne put compter sur le « TOO BIG TO FAIL”.
Et il est une leçon pour tous : les crises sont sorties du domaine de vol de nos outils de gestion de crise; nous sommes bien confrontés à des défis de ruptures, pouvant menacer de mort expéditive les systèmes qui ne se sont pas mis en capacité d’affronter nos nouvelles navigations dans la haute intensité, le systémique, l’inconnu.
Ce qui implique déjà, bien sûr, de ne pas être défaillant sur le connu.
Mais plus encore : se préparer autrement pour affronter des conditions de moins en moins »nominales ».
Bien sûr, on préfère en rester aux pratiques convenues. Attention, elles ne conviennent plus.
Il n’est que temps de prendre la mesure de la mutation de nos risques et de nos environnements – et de bâtir des organisations, des systèmes, un leadership à la hauteur de ces défis qui sont désormais les nôtres.