Dans un post récent, je précisai que nous entrions dans une Saison 3 de la gestion de crise, qui supposait un tout autre ADN pour nos visions, méthodes et préparations.
Je notai entre autres : « Mobiliser et préparer les cercles dirigeants, et leurs équipes, à affronter l’inconnu et à y ouvrir des routes. »
https://lnkd.in/eW-E5XN4
En prenant de grandes libertés avec les éléments dont on dispose à cette heure – largement dans le brouillard de la guerre – peut-on s’aventurer, au moins à titre d’exercice, à examiner le coup de Koursk avec ce regard décalé ?
Kremlin : VP a convoqué en son Olympe tous ses chefs terrorisés pour leur dire son courroux et préparer les maxi-limogeages de rigueur qui font la marque des grands chefs soviétiques.
« Vous avez été incapables de détecter et de contrer le Plan ukrainien. ».
Occident : si l’armée d’agression est restée tétanisée, l’Ouest a été bien surpris. Les plateaux tournent autour de deux questions : « Est-ce que Kiev a informé ses alliés sur ce plan d’invasion ? Est-ce que l’on sait ce qui est sur les rails pour la suite ? ».
Et si ?
Et si, en réalité, il n’y avait pas eu de « Plan » ?
Mais une très grande diversité de composantes opérationnelles pouvant être combinées à très haute vitesse, en fonction des « circonstances » et des possibilités de surprises stratégiques de multiples natures ?
Et s’il n’y avait pas non plus de « Plan » pour la suite ? Mais, là encore, une multiplicité de possibles avec comme principe directeur la capacité à faire imploser toute la grammaire de l’adversaire – et à lui faire ainsi intégrer qu’il n’est pas armé pour cette nouvelle « guerre » ?
Si tel était (en partie) le cas, alors, les Russes ne pouvaient pas détecter « le » Plan : il n’existait pas.
S’enfermer dans cette vision du Plan non détecté c’est déjà avoir perdu la partie. Envoyer du renfort de FSB pour trouver la suite de ce Plan, c’est encore avoir une grammaire de retard.
Ne pas le comprendre, c’est exposer son impuissance.
Le comprendre, c’est découvrir que l’on opère avec un logiciel piège – ce qui approfondit la tétanisation.
Instiller ces doutes et inquiétudes, ouvrir un vide, c’est peut-être là le premier intérêt du coup de Koursk.
Leçons pour tous, sur bien d’autres théâtres de la gestion de crise : le plus décisif, désormais, n’est pas de livrer aux dirigeants les éléments de réponse qu’ils doivent prescrire à leurs bataillons opérationnels, mais de les préparer – eux – à naviguer dans la surprise et le chaotique.
« Leaders for the unknown ».
C’est cela la Saison 3 de la Gestion de crise. Il est à l’évidence urgent de s’y mettre. À défaut, nous entrerons dans des épreuves de tétanisation multipliées. Heureusement, les pistes de travail existent. Reste à le vouloir et le faire.