Publié sur LinkecIn, 22 juillet 2024.
1998 : destruction du réseau électrique du Québec et de l’Ontario à la suite d’une violente tempête de glace. 1999 : destruction des grands réseaux d’infrastructures français à la suite de deux tempêtes inédites. 2003 : canicule sur l’Europe et ses dizaines de milliers de morts. 2008 : cyclone financier…
Les meilleures architectures de réponse, les meilleures mobilisations des protocoles d’action préparés, les meilleurs dispositifs et codes de communication, les plus belles salles de crise, les préparations classiques, les exercices usuels, les crash-tests de référence… ne suffisaient plus.
Le principe racine est l’exigence d’une forte prise de recul pour aller bien au-delà des logiques et des dispositifs de réponse. Le questionnement stratégique devient premier.
Des méthodes adaptées ont été proposées, expérimentées et développées :
– Mise en place de “l’Observateur stratégique” en salle de crise de direction générale. Mission : détecter les questions non posées, les angles morts, les réflexes qui ne sont plus pertinents.
– Instauration de la “Force de Réflexion Rapide”. Quelques personnes d’une grande diversité et particulièrement exercées à travailler sur feuille blanche, travaillant en permanence sur quatre questions : De quoi s’agit-il (vraiment) ? Quels sont les pièges (que personne ne voit) ? Quels sont les acteurs (au-delà des listes établies) ? Quelles combinaisons d’impulsions inventives qui pourraient remettre stabilité, énergie, confiance dans le système ?
– Préparation des Directions et de leurs équipes à opérer quand les logiques de réponse tactique ne suffisent plus. Ce furent des séminaires remarquables avec des COMEX et des CODIR, et des préfets.
– Développement du benchmarking international, des retours d’expérience innovants (Katrina, Sras à Toronto, menace terroriste sur Heathrow, etc.), de l’anticipation stratégique.
Le nouvel environnement marqué par la complexité hors-cadre appelait ainsi une réelle rupture dans la vision fondamentale de la “Gestion de crise”. Alors que le domaine risquait de vivre sur ses acquis en matière de “coordination”, de “communication”, et d’exercices ritualisés, il était crucial de mettre le questionnement et l’impulsion stratégique au cœur de la démarche.
Toute la question était de savoir si les hautes directions allaient engager et poursuivre l’effort dans cette voie, ou si, bientôt, elles préféreraient abandonner le champ aux directions opérationnelles, et plus encore à la communication – cette dimension autrefois rejetée et finalement consacrée jusqu’à devenir parfois le tout de la “gestion de crise”.
Les interrogations en étaient là (avec un repli de plus en plus préoccupant sur la gestion de crise – Saison 1) quand nos crises firent l’expérience d’une mutation radicale : au-delà de la complexité on entre dans le chaotique. Tel est le défi à cette heure.
(suite : saison 3)