Non classé22 juillet 2024Par Patrick LagadecPatrick Lagadec : « La Gestion de crise – Saison 1 (1980-2000) : De la résistance au couronnement »

Publié sur LinkecIn, 22 juillet 2024.

1986, NEW YORK: Première grande conférence internationale sur la Gestion de crise organisée par l’Industrial Crisis Institute (NYU). 225 participants, 6 pays représentés. Paul Shrivastava, l’organisateur, est direct dans son intervention liminaire : “Même si elles admettent que des crises majeures surviendront inévitablement, la plupart des entreprises et des administrations sont mal préparées à y faire face.”

Les industriels sont là en force, et au plus haut niveau. Notamment le président de Johnson & Johnson, qui vient exposer son pilotage de l’affaire récente de la contamination criminelle du Tylenol par du cyanure (1982) – cas qui va devenir la référence dans le monde entier :
– Remontée précoce et rapide d’information sur signaux faibles,
– Analyse, mobilisation et prise en charge immédiate par les niveaux appropriés,
– Implication du Président, et des étages stratégiques, filiale et maison mère,
– Pilotage stratégique tout au long de l’épisode,
– Vision de fond et ancrage sur les valeurs essentielles de l’entreprise : dignité, exemplarité, responsabilité, respect, confiance,
– Coordination et initiatives tous azimuts, sur tous les tableaux, avec tous les acteurs internes et externes,
– Puissance opérationnelle pour s’ajuster à l’échelle de l’épisode,
– Communication pour dire en continu ce que l’on est, ce que l’on sait, ce que l’on fait, avec l’ancrage : « On vous doit la vérité »,
– Forte cohésion interne, mobilisation massive sur le temps long, fierté partagée, reconnaissance du plus haut niveau,
– Cicatrisation interne et externe,
– Leçons pour l’avenir.

En une vingtaine d’années, nombre d’organisations ont travaillé pour intégrer ces repères:
– Considérer les crises comme des moments à enjeux existentiels pour les organisations, supposant donc l’implication des dirigeants ;
– Organiser les systèmes pour qu’ils puissent prendre en charge ces épisodes potentiellement foudroyants ;
– Considérer la communication comme une exigence fondamentale, ce qui tranchait avec la vision établie de l’industrie soustraite à toute obligation d’information externe ;
– Préparer équipes et dirigeants, pour opérer dans ces univers si étrangers aux axiomes managériaux de référence.

Des progrès majeurs ont été accomplis. Salles de crise, exercices, média-trainings…

Mais il ne faut jamais s’endormir sur ses acquis… Les compétences doivent se consolider: elles peuvent très rapidement s’effondrer avec le turnover des équipes.

Et il existe toujours le risque de dévitaliser les meilleures avancées : routiniser les visions et les exercices, exclure tout scénario par trop dérangeant, refuser ou museler les retours d’expérience.

Plus encore : les crises elles-mêmes se sont fortement complexifiées.

(suite : saison 2)

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