Publié sur LinkedIn, 28 octobre 2024.
L’actualité plie chaque jour sous le joug de chocs de toutes natures, de l’extravagance, de l’intolérable, de l’inconnu… C’est un roulement continu de désastres naturels et d’annonces de toujours plus de catastrophes, d’épidémies et de black-out technologiques, de casse-tête RH et de spirales de pauvreté dont on ne voit plus comment sortir, de dynamiques de migrations qu’aucun barrage armé ne pourra dissoudre, de bruits de bottes et de menaces nucléaires, de crises financières et de dettes abyssales, de perspectives d’implosions sociétales…
Avec des institutions, des experts et des dirigeants qui semblent avoir perdu pied.
Comme le disait Maurice Bellet, le chaos est la plus formidable terreur des êtres humains.
La ligne de fuite est finalement de se réfugier dans le faux, de refuser la rationalité qui semble écrasée ; de se constituer prisonnier exalté de n’importe quelle figure providentielle – avec ce qu’il faut de haine pour détourner et fixer la peur, et du viscéral débordant. Au diable la raison, la démocratie, vive la transe collective.
C’est le canot de sauvetage du délire.
Quels repères pour l’action ? Peut-être deux pistes à ouvrir.
Pour les organisations, à commencer par les plus grandes : mettre en place – dépendant directement du Président – une instance d’anticipation, de détection et de prise en charge inventive des grandes ruptures. Que le questionnement et le travail sur les enjeux émergents de haute surprise ne soient plus instantanément disqualifiants, comme cela est si régulièrement le cas. Nous avions commencé à y travailler au tournant du siècle avec Janek Rayer lors de séminaires passionnants sur les ruptures avec des cadres de haut niveau. La remarque la plus décisive entendue : « Je n’en parlerai jamais à mon comité de direction ». Il est urgent de prendre les initiatives qui s’imposent.
Pour nos sociétés plus largement : avec Laura Bertone, peu après 2001, nous avions construit un début de démarche en Argentine, pays en proie à une implosion déroutante. Avec quelques repères minima : écoute et modestie ; accompagnement qui ne soit pas en surplomb : ni professeur, ni thérapeute ; mais effort de proposition, pour aider à affronter les défis et les vides, retrouver des embrayages pour se reconnecter au réel – sans verser dans l’insécurité démesurée ; et attention aux protections impératives qu’il faut apporter pour éviter les vortex de naufrages et d’abandon. On pourra se reporter à notre livre – « Voyage au cœur d’une implosion – Ce que l’Argentine nous apprend », Eyrolles Société, 2003. Un travail certes bien modeste, mais qui semble pouvoir apporter quelques repères pour nos pays en panne de sens, d’ancrages, et de perspectives renouvelées, sur fond de décrochages de plus en plus massifs.
Et en n’oubliant pas le mot de Maurice Bellet : le pire, dans le délire, c’est quand on en sort.