Publié sur LinkedIn, 10 juillet 2024
9 Juin, 30 juin, 7 juillet… Après la centrifugeuse en folie, le vaisseau encalminé. Et maintenant ? Ici, c’est l’amertume de ne pouvoir appliquer un programme qui n’existait pas. Là, on exige d’appliquer tout un programme ficelé en quatre jours. Ailleurs, on plaide pour d’inévitables compromis, mais dans un pays où compromis vaut compromission, où l’idéal reste la scission pour séparer les purs et les traîtres.
Le monde, stupéfait, continue à regarder cette France incorrigible qui, peut-être, annonce d’autres plongées délétères dans le monde.
Prenons un peu distance. Le pays, comme bien d’autres, se voit confronté à des défis pour lesquels nul n’a les clés.
Tensions internationales, avec des guerres qui ne cessent d’étendre leur empire. Turbulences mondiales, combinant chocs climatiques, chocs démographiques, migrations de grande échelle.
Tensions intérieures, qui ne cessent de s’accroître avec les angoisses du déclassement.
Exigences en niveau de (sur)vie quand les ténors du monde ne rêvent que de profits personnels pharaoniques. Submersions technologiques dont les acteurs clés n’ont plus la boussole.
Actualité immédiate, notamment économique, qui ne laissera et ne laisse déjà aucun répit.
Devant de tels gouffres, les ornières sont légions :
– On ne met pas ces questions à l’agenda.
– On compense la perte de repères en haussant le ton, en déclamant qu’on a toutes les réponses, en suscitant toujours plus d’acrimonie contre tel ou tel bouc émissaire.
– On oppose à toute proposition visant à reprendre les rênes, une série de blocages : « Nous avons déjà la continuité d’activité, les cellules de crise, la communication de crise »…
Et, quand les ruptures éclatent, c’est la sidération, puis la mobilisation de toutes les réponses convenues qui ne conviennent plus.
Ce que l’on observe sans doute à cette heure. Comme si chacun dans l’arène était fin prêt à jouer, à Matignon, ou partout ailleurs, ses meilleures partitions habituelles. On irait jusqu’à afficher, pour reprendre la formule acrobatique du Canard Enchaîné du 1er septembre 1954 : « Enfin un gouvernement d’opposition ! » Et si le pouvoir (qui terrorise) finit par arriver, on se prépare déjà à défiler chaque samedi contre soi-même, pour ne pas perdre les leviers de la récrimination et de l’invective.
Quand la gouvernance est aux prises avec les nouvelles turbulences du monde et un chaotique structurel, de nouvelles donnes en matière de préparation collective s’imposent.
Et s’il est encore trop difficile de le faire dans la sphère publique, nous devons au moins avancer avec les acteurs économiques. Des pistes existent et ne demandent qu’à être pratiquées.
C’est ce que je tentais d’exposer dans le livre « Sociétés Déboussolées – Ouvrir de nouvelles routes », Persée, 2023.
https://www.patricklagadec.net/wp-content/uploads/2023/09/Dossier-presse-societes-deboussolees.pdf