publié sur LinkedIn, 15 décembre 2022.
La tenue de notre approvisionnement électrique s’est imposée en tête des préoccupations stratégiques du pays. C’est la mobilisation au bord du gouffre pour que « ça tienne ».
Chacun a sa partition à jouer : les fournisseurs, les consommateurs – à toutes les échelles.
Tenir, impliquer tous les acteurs, passer le cap de l’hiver, préparer les suivants… C’est la course qu’il faut conduire tous azimuts, avec détermination, et sans laisser la partie ni à la peur paralysante ni aux fausses assurances.
Mais, tandis que l’on doit se battre sur tous les fronts immédiats, un ajustement fondamental est à opérer. Le temps du « Tout est sous contrôle » n’est plus. Le robuste laisse place au fragile, à la vitesse, au mutant. Il va s’agir de préparer nos grands systèmes, nos organisations à toutes leurs échelles, et jusqu’aux citoyens, à naviguer en environnement instable, soumis à des surprises qui marquent et marqueront de plus en plus nos dynamiques de vie. Même si tout doit être fait pour consolider toutes les stabilités possibles.
PISTES
– Rupture culturelle : accepter de se poser des questions, même inconfortables, sans attendre qu’elles ne déferlent et ne suscitent le sauve-qui-peut rituel : « Personne n’aurait pu imaginer… ».
– Rupture décisionnelle : intégrer ces questions ouvertes dans les conduites stratégiques, trop souvent construites sur des briques de certitudes, emballées et verrouillées à la hâte.
– Rupture de pilotage : à côté des équipes en charge de « tenir » l’immédiat durant les épreuves, disposer d’autres forces pour repenser toute l’action au cas où l’on serait effectivement projeté dans un univers de turbulences extrêmes.
– Ruptures organisationnelles : des logiques de coopération inventive doivent être pensées et mises au centre des dynamiques d’action. Dans cette perspective, l’essentiel devient de mettre en place des conditions de partage, de confiance, d’inventivité.
– Ruptures de leadership : les dirigeants doivent s’engager totalement dans cette responsabilité qui leur revient de mettre en forme une sorte de « matière noire » qui échappe aux canons consacrés ; et en même temps de s’inscrire dans une perspective autre que « top down » quand il s’agit surtout de permettre, d’inspirer, de susciter, de rechercher l’inventivité collective.
– Ruptures dans l’aide à la décision : il nous faut institutionnaliser, au moins dans les entités les plus essentielles, des « Forces de Réflexion Rapide ».
– Ruptures dans nos préparations : il s’agit de dépasser les simples (certes nécessaires) préparations visant à consolider l’aptitude à mobiliser les réponses connues… pour préparer à opérer dans l’inconnu, le mutant.
Pour naviguer autrement que dans la tétanisation et l’hystérie dans un monde de « Crise sans fin », il nous revient de penser et de mettre en œuvre les ruptures qu’appelle ce monde qui a rompu avec la normalité sous contrôle.