Non classé9 novembre 2024Par Patrick LagadecPatrick Lagadec : Chocs hors-cadre et ruptures : Failles et pistes de pilotage

Publié sur LinkedIn, 9 novembre 2024.

Nos instances de pilotage sont constamment bousculées par des chocs sauvages, des ruptures déchirantes, des surprises de haute intensité. L’échec est le plus souvent au rendez-vous.

Les failles étonnent dans leur constance :
– Nous sommes baignés dans une culture de la normalité : ce qui pourrait sortir de ce sillon convenu est effacé de toute considération.
– Oui pour considérer des risques estampillés, pas pour s’interroger sur les angles morts.
– On se contente, au mieux, de consolider ce que l’on fait déjà (en principe) : étude des risques, procédures d’urgence, dispositifs de crises (connues), exercices de crise (sur scénarios habituels), retour d’expérience (pour vérifier que l’on a bien appliqué les règles connues).
– On bloque toute question inhabituelle : “Sans fondement”, “Ils n’oseront pas”, La direction ne le supporterait pas”, “Vous allez inquiéter le Président”.
– Quiconque se risquerait à alerter sur le risque d’une surprise inconvenante fera les frais de sa hardiesse intolérable.
– En cas d’événement non conforme : tétanisation ; dénonciations; fragmentation ; capitulation. La débâcle est moins difficile à supporter qu’une question pertinente.

Des pistes :
+ Mettre au centre des responsabilités et tableaux de bord des dirigeants la question des angles morts, des surprises majeures, du hors cadre.
+ Aux côtés des dirigeants, instituer une équipe en charge de travailler, aussi bien dans le temps long qu’en cas d’événement déstabilisant, sur les défis les moins évidents, les surprises majeures.
+ En anticipation, cette même équipe aura aussi la charge de réfléchir concrètement aux contre-mesures possibles et immédiates en cas de choc inédit, et plus encore aux pistes d’inventions nécessaires hors des chemins balisés pour répondre à ces chocs par des ruptures créatrices.
+ Engager une pédagogie générale pour préparer les collaborateurs, les acteurs extérieurs, les corps sociaux à tolérer le risque non convenu, et plus encore à montrer une capacité d’invention personnelle et collective quand les schémas certifiés ne fonctionnent plus.

En d’autres termes, nos cadrages convenus sur le leadership, la gestion de crise, la communication de crise, sont désormais dépassés. Certes, tout ce qui est fait en maîtrise des risques, en « gestion de crise » conventionnelle doit rester une exigence. Mais la pérennité de nos systèmes se joue sur d’autres registres.

Il nous faut d’urgence reconnaître que nous ne sommes pas du tout prêts à relever ce défi d’importance existentielle. Et qu’il est inutile et déplacé de se contenter de réagir en prétextant que les crises auraient dû suivre les plans… À défaut, les collaborateurs, les populations en viendront – ce qui est souvent déjà le cas – à mettre en cause de façon générale et radicale la légitimité de ceux qui revendiquent leur rang de leader.

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