Non classé6 novembre 2024Par Patrick LagadecPatrick Lagadec : Espagne – le double bang

Publié sur LinkedIn le 05 novembre 2024.

Le cataclysme espagnol est une énième occasion pressante de dire haut et fort les principes de sécurité sur lesquelles ne pas transiger :
1. Disposer d’une bonne information en temps et en heure, bien relayée par des autorités responsables.
2. Avoir préparé les populations pour pouvoir compter sur une solide culture du risque.
3. Avoir conduit de façon régulière des exercices de crise , avec tous les acteurs, de façon à garantir réactivité, mobilisation en profondeur, alerte, coordination, information dans la durée, redémarrage, résilience.
4. Avoir engagé des politiques de prévention en profondeur pour limiter les risques, l’exposition aux aléas.
5. Avoir traqué les failles les plus délétères dans les articulations organisationnelles, pour limiter les risques de blocages, de conflits de territoires et de chapelles. Ainsi que les misérables batailles politiciennes.
6. Avoir tiré le maximum de leçons de l’expérience.

Mais ce n’est là que le basique. Nous sommes confrontés à des ruptures radicales qui imposent des sauts décisifs en sécurité-résilience :
1. Avoir construit une expertise pour les situations hors-cadre, celles qui prendront à revers les références consacrées.
2. Avoir spécifiquement préparé les étages exécutifs à naviguer et piloter dans l’inconnu : il ne leur suffira pas de coordonner et d’informer mais d’inventer.
3. Avoir préparé le citoyen à tout autre chose que l’application des consignes qui lui seront données.
4. Avoir opéré des changements de vision:
– il ne s’agit plus seulement de ne pas construire dans le lit des rivières: le lit ancestral n’est plus la bonne référence; toutes les routes sont désormais des rivières et des torrents potentiels;
– il ne suffit plus seulement de ne pas tout imperméabiliser: avec 500 litres par m2 en quelques heures, le défi est d’un tout autre ordre;
– dans un monde chaotique il y aura nécessairement des alertes qui ne se traduiront pas en catastrophe : mais 10% des événements donneront 90% des effets désastreux;
– il ne suffit plus d’accélérer les processus d’assurance: le système sera bientôt hors de son domaine de validité.

Il va encore falloir évoluer et piloter dans des univers en rupture :
– les fake News, les déchirures profondes des tissus sociaux, des délibérations collectives qui laissent place à la vocifération hargneuse et l’appel à la violence sans retenue;
– des terreurs profondes face au chaotique sur tous les fronts, qui produiront des désarticulations expéditives;
– des défis de résilience jusqu’alors inconnus quand les épreuves ne cessent de se répéter ;
– le fait que tout ébranlement particulier a vocation à devenir affection systémique débordant à très haute vitesse le registre du choc initial.

En d’autres termes, en plus des exigences élémentaires – mais encore loin d’être satisfaites et qu’il faut marteler sur tous les plateaux –, il ne faut pas ignorer les défis et ruptures majeurs qui sont désormais à l’ordre du jour.

Patrick Lagadec : « La sécurité civile plongée dans la haute intensité – Un saut de paradigme et de pratiques ». 30 septembre 2024. https://www.patricklagadec.net/patrick-lagadec-la-securite-civile-plongee-dans-la-haute-intensite-un-saut-de-paradigme-et-de-pratiques/

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