Le pays est plongé dans des turbulences extrêmes et des déchirures profondes.
Chacun recherche des points d’accroche pour ancrer des analyses et avancer des propositions.
Mais attention aux raisonnements trop expéditifs. Et oublions ceux qui ont déjà toutes les réponses…
Nous sommes, en matière sociétale, comme en matière de climat, ou sur bien d’autres fronts (finance, technologie, géostratégie… ) aux prises avec un univers qui ne correspond plus aux
espaces pour lesquels nous sommes intellectuellement et psychiquement armés. Ces situations sont appelées à se multiplier à brève échéance, là encore sur tous les fronts.
Nous avons des réponses pour les accidents limités, isolés, connus, en univers stable. Nous voici avec des phénomènes hors échelle, de nature systémique, dans des milieux en surfusion. Nous
passons de l’accident à l’engloutissement.
Horst Rittel et Melvin Webber en 1973 (!!) avaient déjà donné des pistes intéressantes – ils visaient des phénomènes particuliers, nous voici avec des dynamiques générales – : « Dilemmas in
a General Theory of Planning », Policy Sciences, Elsevier, 4, 1973, en proposant le vocable de « problèmes diaboliques » :
Situations faites d’écheveaux de problèmes complexes et interdépendants – avec impossibilité d’isoler les causes, de trouver des solutions spécifiques, de progresser par essais-erreurs puisque
toute action a des effets de cliquets.
Les milieux sont fluides, les contextes volatils, les couplages globaux et serrés, les socles fragilisés, les prises en masse brutales, et souvent opportunistes.
Les raisonnements linéaires ne sont plus pertinents que pour des zones très spécifiques des vastes domaines à maîtriser.
L’urgence : construire des capacités de compréhension et de propositions pour naviguer dans ces eaux qui ne sont plus bien navigables par nos esprits cartésiens.
Cela appelle d’autres repères intellectuels, d’autres préparations.
Le thème de mon livre dont In Press avait annoncé la sortie pour début mai avant de se dédire. Le livre qui rebute tous les éditeurs au motif que cela ne rentre pas dans son cadre, dans sa
collection, dans son style, dans son agenda.
Un cqfd pour le moins pathétique.