publié sur LinkedIn le vendredi 24 mars 2023.
Le samedi 18 mars, avant que l’on s’engage dans la procédure finale de l’article 49 alinéa 3, j’écrivais :
« Le sujet est-il encore celui des retraites ? Et si l’enjeu était le risque de dissolution du pays, avec des fulgurances ingérables dérapant sans contrôle dans le chaos, les blocages
« inconcevables », les méga-feux de violence ? Nul n’a de certitude.
On peut tabler sur une sortie de crise certes quelque peu turbulente, mais finalement possible.
Cela me semble une hypothèse bien hasardeuse.
Je vois plutôt une question, encore ouverte à cette heure mais de plus en plus pressante : et si la seule possibilité restait une action décisive – remettant le problème sur un tout autre tableau
–, sous 24 heures, avant que le toboggan devienne prison ? Pour sortir d’une trajectoire qui s’accélère vers le gouffre. »
Finalement, ce week-end-là, l’Exécutif a choisi de garder son cap. Le contraire aurait été surprenant – pour opérer des sorties créatives de paradigme en milieu de turbulences de haute
intensité, il faut une préparation qui n’existe pas.
Au 24 mars, le pari d’une résorption rapide de l’effervescence, pour passer à « autre chose » ne semble pas en voie d’être gagné. Il semble plutôt que l’Exécutif soit en train de s’enfermer et s’enferrer avec toujours plus d’opiniâtreté (et des pincées de provocations dans le discours qui ont des effets foudroyants) dans une impasse au coût phénoménal en termes de défiance, de perte de légitimité et de cohésion nationale, de dégradations et de blocages systémiques, d’image internationale (triomphe à Moscou…, risque sur les notations économiques…).
Le plus visible à cette heure : le déchaînement de violences intolérables, comme si se libéraient des forces dormantes cherchant le chaos pour le chaos, sans autre sens ou vision que la recherche du pire.
On peut toujours se raccrocher à l’adage rituel : « Le pire n’est pas toujours sûr », en rester à l’idée qu’aucune autre trajectoire n’est possible, que tout finira par rentrer dans l’ordre, qu’il faut avoir le « courage d’aller au bout ».
Et si cela ne se calme pas, dénoncer cet iceberg venu exprès percuter le Titanic, ce majestueux navire insubmersible qui devait absolument conserver son cap et sa vitesse, en dépit de toutes les alertes reçues.
En continuant à se rassurer : une fois le détail de l’iceberg traversé, la voie sera libre et on pourra gagner le Ruban Bleu.
Edward SMITH (1850-1912), premier et dernier commandant du Titanic :
« Quand on me demande comment je peux le mieux décrire mon expérience de près de 40 années de mer, je dis simplement: “rien à signaler”. Je n’ai jamais eu un accident d’aucune sorte qui vaille la peine d’être mentionné. J’irai même un peu plus loin. Je dirai que je ne puis imaginer quelque circonstance que ce soit qui pourrait conduire au naufrage d’un navire. Je ne puis me représenter aucun désastre vital qui pourrait affecter ce navire. » (The New York Times, 16 April 1912